Portrait d’une héroïne — L’armée comme vocation. Le parachutisme comme porte d’entrée. Elle saute, elle grimpe, dans un combat à la fois de fierté et de devoir. Micheline Sasa, aujourd’hui Général-Major retraitée, est une pionnière dans ce métier dans l’armée congolaise, voire d’Afrique centrale.
Premières dames dans l’armée
Micheline Sasa est née d’une manière destinée le 02 novembre 1949, dans un camp militaire, le camp Roi Léopold II, actuellement camp Lieutenant-Colonel Kokolo, dans la capitale congolaise en pleine colonisation. Fille d’Alexandre Sasa Mwaka, militaire, et de Véronique Diyuwa Yengo, elle est 6ème d’une famille de 11 enfants, dont 4 sont décédés. Elle bénéfice d’une « bonne éducation », mise en place par l’administration coloniale. En 1955, Alexandre Sasa Muaka obtient même que sa petite fille aille étudier au pensionnat de Mbanza-Mboma dans l’actuelle province du Kongo central. Mais à l’indépendance, en 1960, Micheline est rappelée où sa famille vivait et termine finalement ses études primaires à l’école officielle du camp. « L’armée était un métier noble. Nous étions bien logés et surtout dans les meilleures conditions. Je me souviens qu’à l’indépendance, mon père était monté en grade et nous étions allés occuper une maison d’officier. Cette image m’a sûrement motivée pour y entrer à mon tour », dit-elle.
C’est durant ses études secondaires au lycée Sacré-Cœur à Kinshasa – Gombe que la vocation frappe véritablement à la porte de Micheline Sasa. Inscrite à la section gréco-latine, Micheline apprend à la radio que la nouvelle Armée nationale congolaise (ANC) recrute des « femmes parachutistes ». Car entretemps, après le départ des Belges et l’assassinat tragique de Patrice Émery Lumumba, Joseph Mobutu arrive au pouvoir à l’issue d’un coup d’État militaire contre le président Joseph Kasa-Vubu et entreprend de remodeler l’armée, qui fait alors face à de multiples rébellions dans le pays. Le nouveau Président crée le Centre d’instruction parachute (CIP) qui va donc accueillir des recrues.

Micheline répond à l’appel, tout comme des milliers de Congolaises qui se précipitent avec engouement et qui se passionnent tout à coup pour ce métier. « Je dis aujourd’hui bravo aux filles et femmes congolaises. Elles étaient nombreuses à répondre à cet appel du Président Mobutu d’intégrer l’armée. Nous, qui à l’époque avions 16 ans et demi comme celles qui étaient plus âgées, célibataires ou mariées étions du nombre. » L’armée n’est pourtant pas un métier facile, encore moins le parachutisme. « Plusieurs d’entre nous n’ont pu continuer. Elles avaient certes l’ambition de devenir militaire, mais à ce stade, les conditions à remplir pour devenir parachutiste étaient rigoureuses, à savoir : ne pas peser plus de 50 kg; ne pas avoir les pieds plats; passer des tests médicaux et d’aptitude physique, etc. »
Mais avant même que les essais ne commencent, Micheline voit sa famille s’y opposer. Son grand frère Augustin Sasa Muaka, militaire lui-même, lui donne alors deux ans, sinon, elle devait reprendre les études. « Quand je suis arrivée pour faire le test, des amis de mon frère sont allés l’informer que j’étais sur le point de m’enrôler. Il est venu me voir en me disant que ce n’était pas une bonne idée. Il aurait préféré, comme mon père, que je fasse des études. Mais moi, j’aimais beaucoup ce métier. Sans doute parce que nous étions bien traités durant l’époque coloniale. J’ai donc insisté auprès de mon frère, qui m’a donné deux ans. Me disant : “si, dans deux ans, tu ne réussis pas à t’intégrer dans l’armée, alors tu reprendras tes études.” »
La Guerre de six jours en Israël

Micheline passe des tests d’admission avec succès au CIP, exclusivement aux mains de l’assistance technique militaire israélienne qui forma les premières unités parachutistes de l’ANC (Armée nationale congolaise) – Le CIP deviendra CETA (Centre d’entraînement des troupes aéroportées) en décembre 1972 avec l’assistance technique militaire de la France. La jeune dame y est internée avec d’autres recrues. Arrive ensuite la formation proprement dite. « Nous avions eu trois semaines d’entraînement au sol, avant de commencer la partie dans les airs et c’était vraiment dur. C’était quand même un métier difficile. Il y a même eu des accidents », raconte-t-elle. Mais Micheline n’aura jamais eu peur et ne sera jamais découragée. « Moi, enfant de militaire, avoir peur ? Jamais ! Je crois aussi que les conditions dans lesquelles nous vivions dans le camp comme enfants de militaire nous avaient motivés. C’était un métier difficile, mais noble. Et nous vivions dans de bonnes conditions. Et devenir militaire était un très bon choix à l’époque. »
Le Président Mobutu voit grand pour sa nouvelle unité d’élite. 22 recrues, dont Micheline Sasa, excellent. À l’issue d’une procédure de sélection rigoureuse, elles sont désignées pour aller suivre une formation d’officiers supérieurs et sous-officiers en Israël. C’est en mai 1967 que les Congolaises débarquent à Haïfa, et elles commencent aussitôt leur formation. « Nous étudions encadrées par des instructrices qui parlaient français. Nous avons eu toute sorte de cours notamment sur la tactique, la géographie, etc. Et ce que nous appelions au pays des exercices de commandos, comme la descente ou la montée de rochers avec des cordes… là-bas, c’était le minimum qu’il fallait apprendre », relate Micheline Sasa.
Soudain, les choses s’accélèrent. Alors qu’elles arrivaient au terme de leur formation, Michelle et ses camarades d’armes sont surprises par une nouvelle. « Nous ne pouvons pas vous laisser partir en ce moment, nous entrons en guerre », leur annonce une colonelle de l’armée israélienne. C’est ainsi que 22 militaires de l’armée congolaise se retrouvent au cœur même d’une des batailles les plus épiques de l’histoire d’Israël. En effet, en réaction aux mouvements de troupes de l’Égypte et à la suite du blocus du détroit de Tiran aux navires israéliens par l’Égypte le 23 mai 1967 – les Israéliens avaient préalablement annoncé qu’ils considéreraient cet acte comme un casus belli – les deux pays entrent en guerre du lundi 5 jusqu’au samedi 10 juin 1967. L’Égypte est soutenue par la Jordanie et la Syrie. Ville portuaire du nord d’Israël, s’étendant de la Méditerranée au versant nord du mont Carmel, Haïfa qui abrite alors le centre d’entraînement des futures officiers congolaises est l’une des places fortes de cette guerre qu’Israël remportera.

La ville comprend en effet une importante base navale de Tsahal pour ses opérations en mer Méditerranée. La flotte stratégique de nouveaux sous-marins de classe Dolphin y trouve son port d’attache. Depuis leur centre de formation à Haïfa, Micheline Sasa et ses camarades assistent aux actions. « Nous avions entendu des coups de canons d’armes lourdes. Mais la colonelle qui nous briefait est venue nous voir pour nous dire que c’était des préparatifs et que la guerre allait bientôt commencer. Elle nous expliqua pourquoi c’était important pour Israël de remporter cette guerre: “Nous sommes entourés par nos ennemis. Si nous ne gagnons pas cette guerre, ils vont nous repousser jusqu’à la mer. Il faut la gagner” », détaille la générale Sasa.
Les Congolaises ne prennent pas part au conflit. Mais elles doivent participer à la mise en place des mécanismes pour sécuriser le camp. « Nous avons participé aux efforts pour installer des mesures de sécurité, notamment en creusant des tranchées autour du camp, en plaçant des plastiques sur des murs pour éviter des éclats en cas d’exposition. Nous devions aussi suivre le protocole d’évacuation si la sirène sonnait. Depuis le camp, nous entendions des bombardements et toute sorte de bruits de combat », explique la générale.
Au pays, les familles des recrues sont en alerte, alors que les nouvelles de la guerre font le tour du monde. « Nos familles sont allées voir l’état-major et même l’ambassadeur d’Israël à Kinshasa pour se rassurer. Nos parents étaient inquiets », ajoute Micheline Sasa. Israël remporta le conflit. En moins d’une semaine, l’État hébreu tripla son emprise territoriale : l’Égypte perdit la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï, la Syrie fut amputée du plateau du Golan et la Jordanie de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. À Haïfa, Micheline et ses camarades célèbrent la victoire aux côtés des Israéliens. Elles sont même conviées à visiter les territoires gagnés par Israël, notamment la ville sainte de Jérusalem. « C’est vraiment un bon souvenir. Je suis chrétienne et j’étais venue à Israël, me voilà à Jérusalem. C’était une grâce », explique-t-elle avec émotion.
Face à une Armée des hommes

La formation en Israël se termine, Micheline Sasa et son groupe regagnent triomphalement le pays en août 1967. Mais la réalité zaïroise, ou plutôt congolaise, les rattrape. L’armée de Mobutu, qui reste celle des hommes malgré la volonté du président, ne veut pas voir de femmes officiers. Dans un premier temps, explique Micheline Sasa, elle et ses camarades porteront le grade très original « d’aspirant officier », celui ou celle qui attend cette promotion. Or, elles avaient déjà terminé leur formation d’officier à Kinshasa et en Israël. « Ils nous ont dit que c’était pour un temps, que nous porterions nos grades plus tard. Ce qui était faux. Car ça a pris, non seulement plusieurs mois, mais les hommes qui avaient suivi la formation au même moment que nous, et même ceux qui ont suivi la formation après, ont tous reçu leurs grades avant nous », déplore Micheline Sasa. « Les hommes ont commencé à dire que nous étions trop jeunes, que nous étions des femmes et que nous ne pourrions pas porter ces grades. Nous avons même commencé à désespérer et certaines ont même quitté l’armée », ajoute-t-elle.
Un an après, c’est le Président Mobutu en personne qui est intervenu pour que les dames puissent enfin obtenir leurs grades. « Le Président Mobutu lui-même s’est impliqué. Il a dit : “Ces jeunes dames ont suivi leur formation, elles ont rempli toutes les conditions. Pourquoi n’ont-elles pas le droit de porter leur grade ?” » raconte Micheline Sasa. Le 1er juillet 1968, devant l’esplanade du camp Kokolo à Kinshasa, un grand défilé est organisé en l’honneur des promues. Le général Bobozo, commandant en chef de l’Armée nationale du Congo (ANC), décore finalement Micheline Sasa du grade de sous-lieutenant. « En prenant la parole, le Président Mobutu a menacé en disant : “Vous devez respecter les officiers et sous-officiers femmes. Celui qui osera ne pas respecter les grades de ces jeunes dames, celui qui osera ne pas les saluer, sera puni doublement” », révèle Micheline Sasa. C’est ainsi que l’armée congolaise connut ses premières officiers.
La Guerre, ça se traite d’abord dans un bureau

icheline Sasa commence sa carrière dans l’armée à l’issue de cette cérémonie du 1er juillet 1968. Ayant maintenant terminé sa formation, elle choisit de ne pas aller au front. La parachutiste préfère l’administration, alors que plusieurs de ses sœurs d’armes décident de rester au centre d’instruction pour former d’autres nouvelles recrues. « La guerre, ça se traite d’abord dans un bureau, insiste-t-elle. J’ai choisi l’administration parce que c’est de là que tout se prépare », explique la générale. Quatre ans après son passant d’officier, Micheline devient finalement lieutenante. Son parcours au sein de l’administration militaire n’est pour autant pas chose aisée.
Dans cette armée congolaise des hommes, les femmes n’ont que très peu, voire pas de place. Micheline Sasa se faufile entre l’état-major général et le ministère de la Défense, occupant différentes « petites » fonctions. Elle devient même « capitaine » en 1977. Mais à sa grande surprise, c’est le plafonnement. Aaucune femme au Zaïre n’est aceptée à un grade supérieur. Huit ans durant, la fougueuse prend sur elle et fulmine. D’autant plus que la procédure veut qu’au sein de la nouvelle armée zaïroise formée, il faille faire l’école de commandement et d’état-major, l’actuel centre supérieur militaire, afin d’être qualifié pour les grades supérieurs, notamment celui de major auquel aspire Micheline Sasa. Une véritable épreuve du feu. Un autre problème se pose : ce centre n’accepte pas « les femmes ». Mais la fille de militaire ne se laisse pas faire. « Les hommes ne voulaient pas voir les femmes entrer à cette école. Nous avons protesté avec des camarades. Nous sommes même allées jusqu’à écrire au Président Mobutu lui-même pour lui expliquer notre situation », dit-elle.
La jeune capitaine va se lancer dans un combat et devient la figure de proue, symbole du féminin au sein de l’état-major de l’armée zaïroise. En 1983, elle est nommée « directeur national chargé de la condition féminine au sein des Forces armées zaïroises ». Elle pilote alors la politique de l’armée au profit des femmes militaires et des épouses de militaires. Mais, une fois de plus, le Président Mobutu prend les choses en main pour finalement autoriser l’accès des femmes au Centre supérieur militaire. « Un jour, nous avons organisé une parade entre femmes au camp CIP en présence de Maman Bobi Ladawa (Première dame). Et à l’issue de cette cérémonie, le Président Mobutu était tellement content qu’il a décidé qu’à partir de cette date, les femmes avaient aussi droit de faire l’École de commandement et d’état-major », raconte Micheline Sasa.
En 1986, une nouvelle aventure commence. Il faut passer un concours d’entrée. Micheline et trois de ses camarades sont retenues dans une promotion « mixte », aux côtés d’officiers hommes. Elles entament donc un rude processus pour obtenir un diplôme en logistique. « Rien que le test d’admission n’était pas une épreuve facile. Nous nous étions sérieusement préparées. Nous sommes même entrées au maquis pour nous concentrer. Nous avons passé le concours à une dizaine, mais seules quatre ont été retenues », explique Micheline Sasa.
18 mois de formation. Les épreuves de jury, mais également de tactique et autres, que les aspirantes officier supérieur vont passer au fameux centre de Kota Koli, créé du temps de la colonisation belge et qui a pour mission la formation des commandos de choc. L’une des épreuves est la longue marche. L’unité quitte Kota Koli jusqu’à la frontière avec Setéma entre la Centrafrique et la RDC. Des dizaines de kilomètres parcourus à pied, aux côtés des instructeurs belges et des co-équipiers. Micheline Sasa est la seule femme du groupe. « Nous étions à trois femmes là-bas. Mais pour l’exercice de la grande marche à Satéma, j’étais la seule. Et ce n’était pas une mince affaire. Nous avons marché toute la journée jusqu’à atteindre le bord de la rivière, à la frontière avec la Centrafrique. Là, nous devions passer la nuit pour repartir le matin. Il y avait des moustiques comme pas possible. Mais les hommes ont eu la gentillesse de me laisser dormir dans le canot pneumatique, sous une moustiquaire », relate la Générale. Le lendemain, le groupe regagne Kota Koli puis Kinshasa. Micheline en ressort triomphante. Quelques jours après, la formation est terminée. Le Président Mobutu pose fièrement aux côtés de la 14e promotion « Adm Log » avec leur Brevet de Technicien d’État-Major ECEM. Une cérémonie grandiose est organisée au « Mont Ngaliema » pour l’occasion. « C’était une grande fête. Il y avait nos instructeurs, des cadres de l’armée et plusieurs personnalités. Le Président Mobutu a demandé qu’on lui explique comment ça s’était passé. Et c’est moi qui ai été choisie pour parler avec lui. Il nous a félicités. Il était vraiment fier de nous », raconte Micheline. Le 1er juillet 1987, Micheline Sasa est nommée major.
Sur le toit de l’Armée

Micheline Sasa poursuit sa vie au service du Congo. La voilà désormais au cœur de l’état-major et du ministère de la Défense. De chef du bureau de service social au ministère de la Défense nationale, elle grimpe les échelons pour devenir directeur des œuvres sociales dans les années 1990. En 1992, Micheline Sasa est la première femme à devenir lieutenante-colonelle. Le rythme s’accélère. Quatre ans après, elle est nommée colonelle, elle prend également les fonctions de directeur adjoint de la coopération militaire au Secrétariat général de la Défense. Arrivent alors les troubles que traversent le pays et l’armée nationale en 1997.
La chute du régime du Président Mobutu et l’arrivée du Président Laurent-Désiré Kabila, ainsi que les guerres qui vont suivre perturbent durablement la situation au sein de l’armée. « Depuis mon accession au grade de colonelle jusqu’à la chute de la deuxième République, je n’ai pas eu de fonction. Et à la chute de la deuxième République, on nous a demandé de ne plus porter nos grades. Nous étions tous devenus de simples commandants », explique Micheline Sasa. Commence alors une véritable traversée du désert pour elle. Une période que la dame endure.
Car entretemps, outre le fait d’être militaire, Micheline Sasa est également mariée. Mère et épouse, elle doit combiner son travail complexe avec la gestion quotidienne de son foyer. « La principale difficulté est que je faisais déjà un métier d’hommes avec les stéréotypes de la société. En regagnant la maison, je redevenais femme à part entière. Sans oublier que le salaire de militaire n’était pas toujours au rendez-vous. Mais nous avons tenu », explique-t-elle. Micheline aura six enfants.
Les mois passent et un beau matin, un « ancien chef » devenu Secrétaire à la Défense, le colonel Kabulo, retrouve sa trace. C’est alors qu’elle revient au Secrétariat général à la Défense. Nous sommes en 2010 quand elle est finalement nommée commandante de l’École d’administration et de l’informatique militaire d’abord à Kinshasa. Puis, elle est envoyée à Kananga. Elle y restera près de quatre ans à s’occuper, cette fois, de la formation des futurs as de l’administration militaire congolaise. Soudain, une bonne nouvelle tombe. En juillet 2013, aux côtés de Marie-Josée Mbuyi Tshivuadi et Bolingo Lese Rendu, Micheline Sasa est nommée Générale de brigade. Une nomination signée par le Président Joseph Kabila dans le cadre de la réforme des Forces armées nationales. Obtenue non sans luttes, elle consacre le rôle de la femme congolaise au sein de l’armée et la carrière même de Micheline Sasa. Une autre bonne nouvelle.
La Générale poursuivra sa carrière. La même année, depuis Kananga où elle continuera à enseigner même après avoir été promue, Micheline Sasa apprend qu’elle est nommée Secrétaire générale aux Anciens Combattants. En 2018, le Président Joseph Kabila signe de nouvelles ordonnances faisant de Micheline Sasa, cette fois, la première femme général-major de l’armée congolaise. La voilà sur le toit de l’armée. Consécration de plus de 52 ans de carrière. Mais cette médaille a son revers. Sans être préalablement informée, Micheline Sasa est envoyée en retraite. Elle apprendra la nouvelle à la radio. « Je n’oublierai jamais. Nous étions un samedi. Nous revenions d’un deuil. Le soir, nous apprenions que nous étions mis à la retraite et par téléphone de quelques camarades. Nous étions nombreux. Je n’étais pas préparée ni informée au préalable. Après 52 ans de service ! Aujourd’hui, on informe les concernés six mois, huit mois, ou un an avant pour qu’ils prennent leurs dispositions. C’était quand même triste de terminer comme ça », regrette Micheline Sasa.
Micheline se tient droite. L’air pensif, elle affirme n’avoir gardé que des « bons » souvenirs de cette armée qu’elle a servie. « J’ai accompli une très belle carrière jamais rêvée au sein de l’armée. J’ai tout donné à mon pays, mais il m’a aussi donné tout ce que j’ai aujourd’hui. À ce titre, je serai toujours reconnaissante. Certes, j’aurais aimé terminer mieux ma carrière. Mais, c’est toujours une fierté d’être celle que je suis aujourd’hui pour mon pays », conclut-elle.
Légende de Congo au Féminin

Nous sommes à Kinshasa. À une centaine de mètres de l’avenue Kabinda, dans la commune de Lingwala, au centre-ville de la capitale congolaise, une artère est en ébullition. Générale des Forces armées de la RDC à la retraite, Micheline Sasa meurt d’impatience en cette matinée du 28 octobre 2020. « Nous avons longtemps attendu. Il y a eu des contacts, puis plus rien. On commençait à stresser. Et, un bon matin, tout se précipite », explique sa fille.
La Première dame Denise Tshisekedi fait soudain son entrée dans la parcelle de Micheline Sasa. Émotion ! La Générale Sasa fond en larmes. « Merci Maman », dit-elle, sous le regard ému de ses fils et petits-fils. L’accueil chaleureux cache à peine le soupir de soulagement et de joie. « Pour moi, c’est la consécration de toute ma carrière de 52 ans. 52 ans au sein de notre armée, je n’ai jamais eu une telle reconnaissance », raconte la générale posant aux côtés de la Première dame qui lui remet alors un Diplôme de Mérite pour son engagement tant dans l’armée que dans la cause de la femme congolaise.
Car l’histoire même de cette dame, jadis dans la promotion des premières parachutistes de l’armée nationale, les premières femmes à être acceptées au sein de l’armée en RDC, témoigne d’un parcours élogieux, à forcer les portes et à faire bouger les lignes. Aujourd’hui, aux côtés d’autres « Légendes » de « Congo au Féminin », elle entre au Panthéon des femmes qui brisent les stéréotypes et sont montées haut, là où personne ne les attendait. La Générale est au soir d’une carrière qui servira désormais d’exemple et témoignera. « Je tiens à remercier l’Eternel Dieu pour mon parcours exceptionnel, ainsi que les personnes qui m’ont soutenue tout au long de ma carrière. Je rends un vibrant hommage à toutes mes camarades de promotion, particulièrement celles qui ne sont plus de ce monde », conclut-elle