Portrait d’une Légende — Née Gbiatibwa Gogbe Yetene, Marie-Antoinette Mobutu est une étoile filante du Congo. Mère à treize ans, épouse d’un président aussi mythique que célèbre, adulée elle-même par une population qu’elle aura servie jusqu’à ses derniers jours, elle s’est éteinte à seulement 36 ans, non sans avoir marqué profondément l’histoire de la République démocratique du Congo tant en se consacrant à sa famille de neuf enfants qu’en venant en aide aux démunis, à travers des initiatives inédites qui continuent, encore actuellement, à être saluées
Des poussières de Lisala au Palais impérial de Tokyo
C’est l’histoire d’une fillette passée épouse et mère à l’âge de treize ans. Le parcours d’une femme née nulle part, larguée dans la vie adulte très tôt, qui apprendra sur le tas, et accompagnera son mari au sommet d’une péripétie à la fois glorieuse et triste. Première dame du Zaïre, elle deviendra modèle incontesté. Un rôle qu’elle jouera passionnément. Tel un travail, engagée aux côtés des populations, bien souvent les plus démunies. De Lisala, où commence son existence, elle aura gardé cette humilité flanquée au nom de son époux. Une détermination des pauvres. Une détermination de ceux qui ont, eux aussi, connu la misère.
Car Mobutu, raconte Jean-Pierre Langellier, signifie « poussière » en langue Ngdandi. « Un tel nom remémorera sans cesse à celui qui le porte l’humilité de ses origines », le veut ainsi sa mère, la vénérée Maman Yemo. [1]William T. Close, avec Malonga Miatudila, Beyond the Storm, Meadowlark Springs Productions, 2006, p. 112-113. Quant à Marie-Antoinette, native de la même ville, sa destinée est identique à celle de son président de mari. Ils viennent tous deux des poussières de Lisala et grimpent sur le toit du Zaïre. Avec le temps, le peuple rivalise de superlatifs pour la première épouse de son président. « La bienveillante », « Dame au bon cœur », « Maman Sese ». Marie-Antoinette ne laisse personne indifférent, tant au Zaïre, pays continent, qu’à l’international.
C’est aussi une histoire d’amour. Celle d’une femme qui a porté un mari bien trop puissant, lui donnant neuf enfants, tout en vivant dans une ombre épaisse, qu’elle finira par apprivoiser. Marie-Antoinette fut tellement aimée par son époux que lors de son décès, le Président Mobutu ira jusqu’à promettre à son peuple de ne pas se remarier et de se consacrer aux enfants nés de leur union. De la poussière, Marie-Antoinette a atteint les sommets. Bien comme une étoile filante. À l’image de cette tournée inoubliable, dans le palais impérial de Tokyo. En effet, le 30 mars 1971, le DC-10 de la société nationale Air Zaïre fait tout à coup irruption au Haneda Airport de Tokyo. Tous les regards sont braqués vers l’appareil qui fait le taxi jusqu’à se garer. Il est au pied d’un tapis rouge déroulé autour d’un accueil princier, impérial même.
Car, de l’autre côté de celui-ci, c’est l’Empereur Hirohito du Japon, lui-même, et son épouse, l’Impératrice Nagako, qui attendent. Les invités sortent de l’avion et arpentent l’escalier d’embarquement flanqué du logo de Pan American World Airways. À la tête de cette délégation, le Président Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga. Il arbore fièrement sa tenue de militaire et toutes ses médailles du plus haut gradé de l’armée zaïroise. Il fait deux pas, sur les marches, et s’arrête, regardant derrière lui. Homme attentionné, il craint que son trésor, Marie-Antoinette, son épouse, ne trébuche. Si Mobutu est l’invité attendu, celle-ci est bel et bien la star de cette arrivée triomphale au pays du Soleil levant, pour une visite de neuf jours. Un sacre. Un événement inédit.
Épouse et mère à 14 ans
L’histoire de Marie-Antoinette commence donc dans les poussières de montagnes de Lisala, une bourgade enfouie dans la forêt équatoriale, au nord du Congo belge. Dominique Yetene et Anne Sengu, qui vivent ensemble depuis un moment, ont du mal à concevoir. La jeune dame connaîtra plusieurs fausses couches cinq ans durant, avant de voir le ciel lui sourire. Marie-Antoinette Gbetigbia Gogbe Yetene naît. Nous sommes en 1941, le 28 mars précisément. Le couple se séparera rapidement. La mère tombe dans les bras d’un matelot de la compagnie coloniale de transport multimodal, celle qui deviendra l’ONATRA. Son unique sœur, Suzanne Tambi, se rappelle bien des faits. « Nous sommes seulement nées à deux, comme notre mère avait du mal à concevoir. Moi, cinq ans après elle. Elle était élancée, un peu mince durant son enfance, mais elle était vaillante. Une grande sœur qui a toujours pris soin de moi », explique-t-elle.[2]Témoignage de Suzanne Tambi Tangolo, sœur cadette de Marie-Antoinette, recueilli par Litsani Choukran, en août 2020.
Marie-Antoinette commence ses études primaires au lycée Monzoto Mwa Ntongo de Lisala, la seule école du coin à l’époque, catholique et très stricte. Elle a six ans. Et c’est là-bas sans doute qu’elle apprendra sa grâce et ses bonnes manières, désormais légendaires. « Notre mère s’est mariée avec un autre père nourrice, qui nous a pris sous son aile. Et comme il travaillait à l’ONATRA, il a été transféré vers Léopoldville. Nous étions obligées de l’y suivre, Marie-Antoinette, notre mère et moi », explique Mme Tambi. [3]Suzanne Tambi Tangolo, op. cit.
En 1953, la famille de Marie-Antoinette débarque dans la capitale congolaise, secouée par le début des revendications indépendantistes. Elle habite la cité indigène, dans l’actuelle commune de Kinshasa. La future « Maman Mobutu » n’échappe pas au modèle colonial qui prône un avenir tout tracé aux femmes. Celles-ci doivent s’inscrire chez les Sœurs immaculées de Marie de Saint-Pierre, pour y suivre les enseignements de la section « ménagère », lesquels leur inculquent la tenue d’un foyer, alors que leurs maris iront chercher le pain quotidien. Mais le destin a prévu autre chose pour cette âme bien née. Un jeune homme vient également d’arriver à Léopoldville. Il termine tout juste sa formation à « l’École centrale de Luluabourg » (aujourd’hui Kananga), où l’on prépare les officiers militaires noirs de la Force publique.
Joseph-Désiré Mobutu est promis à un bel avenir, dit-on. Deuxième de sa promotion, avec son diplôme de secrétaire-comptable dactylo, le jeune caporal rejoint le quartier général de la Force publique, dans l’actuel camp Kokolo, où on l’affecte au service Mobilisation, opérations et instruction. [4]Dignité pour l’Afrique, Entretiens de Mobutu avec Jean-Louis Remilleux, p. 27-28. Mobutu se trouve alors au cœur d’une coterie entre deux dames. Une de ses tantes, « Joséphine », va prendre langue avec une de ses « sœurs » de la tribu Ngbandi, qui n’est autre que la mère de Marie-Antoinette. Au centre de ce complot, la tante veut choisir une épouse pour son neveu militaire. « Maman Joséphine, la cousine de Maman Yemo (la mère de Mobutu), est allée voir le maréchal Mobutu, lui disant qu’elle avait une de ses sœurs Ngbandi, qui venait d’arriver dans la capitale avec ses deux filles ; lui demandant de venir les apprécier », explique Mme Tambi. Il accepte et se rend bien au domicile des parents de Marie-Antoinette, accompagné de sa tante Joséphine, où les présentations ont lieu.
Marie-Antoinette n’a que treize ans lorsque Joseph-Désiré Mobutu pose les yeux sur elle. Et le jeune homme en est étourdi. Dans la culture congolaise de l’époque, le mariage précoce est d’actualité, une vertu qui ne choque personne et qui devient coutume. [5]Le droit du mariage au Congo, par Auguste Iloki, aux éditions L’Harmattan, 2008. Les parents de l’homme ont le privilège de choisir la future épouse de ce dernier. Fréquemment, deux familles s’entendent et, parfois, organisent même la dot sans que les intéressés aient dit mot. Si la fille est trop jeune, avec une moyenne d’âge variant souvent entre 15 et 18 ans, elle demeure, bien que « mariée », au domicile de ses parents, jusqu’à ce qu’elle atteigne sa puberté. Certaines partent dans la famille de l’époux, jusqu’à cette période fatidique où elles sont livrées au toit conjugal, non sans suivre une certaine « formation », à mi-chemin entre coutume et pratiques, afin d’apprendre à « tenir » leur foyer. Mais le jeune Mobutu n’attendra pas. « Notre mère avait fait savoir au maréchal (Mobutu) que Marie-Antoinette était trop jeune. Elle avait seulement treize ans. Mais il (Mobutu) a répliqué : moi-même, je vais l’élever. Puis ils ont commencé leurs fiançailles. Marie-Antoinette continuait de se rendre à l’école et restait toujours à la maison de nos parents », explique Mme Tambi.
En fin d’année 1953, le caporal Mobutu assure avec brio l’intérim de son chef direct belge parti en congé. En récompense, il est nommé sergent le 1er avril 1954. Mais cet homme, qui a le don de se mettre ses supérieurs à dos, frappe encore. Téméraire, du haut de ses 24 ans, Joseph-Désiré commet l’irréparable. La jeune Marie-Antoinette tombe enceinte. La nouvelle provoque une vive tension au futur camp Kokolo. [6]François Monhein, Mobutu, l’homme seul, p.30. Mobutu est accusé de « viol ». Mais les militaires, raconte Mme Tambi, interviennent pour protéger leur camarade. L’affaire doit être réglée dans le calme et « en famille ». Le sergent Mobutu doit assumer ses responsabilités et prier que Marie-Antoinette mette au monde sans problème. La jeune fille est donnée en mariage coutumier à Joseph-Désiré Mobutu le 26 juin 1955. [7]Michela Wrong, In the Footsteps of Mr Kurtz, p. 73.
Jean-Paul (qui sera connu, au temps de « l’authenticité », comme Nyiwa) naîtra le 17 décembre 1955. Un an plus tard, Mobutu termine son service militaire. Le jeune couple s’installe du côté de l’actuel quartier de Yolo, dans la commune de Kalamu. Deux ans après, le futur président se rend en Belgique pour couvrir l’Exposition universelle de 1958 et y reste pour suivre une formation en journalisme, carrière qu’il a embrassée en 1956. Mais il ne sera plus seul. À Bruxelles, Marie-Antoinette accompagne son époux. Elle tombe d’ailleurs enceinte de son deuxième fils, Manda Félix Mobutu. Un an plus tard, de retour au pays, le couple s’installe à Bandalungwa et vit aux premières loges de l’indépendance qui arrive à grands pas, dans un domicile où un certain Patrice Émery Lumumba prendra habitude de venir déjeuner avec son « ami » Mobutu, goûtant à la cuisine de Marie-Antoinette. [8]Suzanne Tambi, op. cit.
« Aidons les pauvres, car nous l’étions aussi»
Joseph Mobutu progresse. Il se brouille avec Lumumba, et monte en puissance jusqu’à prendre les pleins pouvoirs. Alors que l’homme se durcit, Marie-Antoinette incarnera toujours son doux penchant. Aux côtés de son président de mari, qu’elle était sans doute l’une des rares à l’avoir sans cesse vu dépourvu de sa toque de Léopard, Maman Mobutu devient Première dame dès le coup d’État du 24 novembre 1965. « Aidons les pauvres, car nous l’étions aussi. » Telle est sa devise. « Maman Mobutu », ou « Maman Sese », à l’image du « Maréchal », plus jamais, elle ne portera son patronyme de naissance dans ce Zaïre qui a recours à l’authenticité.
Aux côtés du Président, elle crée sa fondation « Maman Mobutu » qui développe des centres de référence en matière d’assistance et d’autonomisation de la femme à travers le pays. Loin de n’être qu’une structure de dons, elle soutient réellement la cause de la femme, dans une société zaïroise des hommes. L’institution prend à bras le corps la problématique de la fille-mère, sans doute du fait de sa propre expérience, ayant été mère et épouse à seulement treize ans. Sa fondation crée des écoles dans le but de récupérer les victimes de ce fléau. Plus tard, elle s’agrandit et embrasse d’autres combats, notamment des centres de formation aux métiers pour les individus vivant avec un handicap. [9]Fondation Mama Mobutu (Obs), https://www.congoforum.be/fr/2007/11/02-11-07-fondation-mama-mobutu-obs/ Des aveugles sont pris en charge dans plusieurs de ces centres qui leur apprennent la couture et le style. La réussite de ces projets poussera le gouvernement de Mobutu à confier l’entièreté du ministère des Affaires sociales et humanitaires à la fondation Maman Mobutu.
Marie-Antoinette était à la fois une Première dame, mais également une mère qui a continué à s’occuper personnellement de son foyer et de sa maison. « C’était une maman présente et aimante. Elle ne faisait pas de différence entre sa famille et sa belle-famille ni entre ses enfants et neveux et nièces. Elle était une femme juste », témoignent ses enfants. [10]Interview avec les enfants de Marie-Antoinette en août 2020, réalisée par Litsani Choukran. « Elle prenait plaisir à s’occuper elle-même de ses enfants sans déléguer, malgré ses fonctions de Première dame. Elle était curieuse d’apprendre. Elle nous emmenait avec elle dans les champs et nous apprenait à différencier les légumes africains et, de retour à la maison, elle nous montrait comment les cuisiner et aimait nous conter de belles histoires », ajoutent-ils.
Si Mobutu et ses politiques s’embourbent dans des rivalités, la Première dame entretient néanmoins des liens amicaux, le plus souvent avec des femmes de politiques. « Souvent, elle appelait chacune des femmes de ministres et autorités, que nous étions, nous invitait chez elle pour passer du temps ensemble et parler avec nous. Nous parlions de nos foyers et de toutes autres sortes de conversations. Elle nous apprenait même des pas de danse et nous conseillait énormément », témoigne Mme Marie-Hélène Moleka. [11]Marie-Hélène Moleka, dans une émission « Hommage à maman Marie-Antoinette Mobutu », avec la journaliste Chouna Mangondo, diffusée à la … Continue reading
Au-delà de son foyer, cette dame, forte de caractère, était également un pilier politique de Mobutu, s’impliquant nettement dans la vie de la nation, à ses côtés. Selon des témoignages, Marie-Antoinette a pesé dans plusieurs décisions prises par son mari, notamment sur le plan social. « Chaque fois que les femmes se trouvaient autour d’elle, en symposium ou en séminaires à l’époque, l’ancienne épouse de feu président Mobutu Sese Seko ne manquait pas de plaider pour l’initiation des lois à voter en faveur des droits de la femme congolaise (zaïroise jadis) », confirme Mme Juliette Mpinga Mwakana, ex-présidente du comité permanent de la fondation « Maman Mobutu » [12]« Hommage à Maman Marie-Antoinette Mobutu », avec la journaliste Chouna Mangondo, Op.cit.
« Elle était extrêmement influente. C’était une femme forte, une femme de caractère. Durant nos rencontres, si Mobutu avait fait quelque chose qu’elle n’approuvait pas, elle se levait dans la salle et, dans des termes dépourvus de toute ambiguïté, lui faisait savoir qu’elle était fort mécontente de sa décision », dit Larry Devlin, ancien chef de la CIA en RDC. [13]Interviewé dans le documentaire du réalisateur belge Thierry Michel : Mobutu, roi du Zaïre, 1999.
Un événement va particulièrement illustrer le rôle clé de Marie-Antoinette dans le jeu politique. En mars 1977, des rebelles du Front national de libération du Congo (FNLC), soutenus par l’Angola et Cuba, attaquent la province du Shaba, dans le sud-est du pays. Le Président Mobutu décide de réagir. Il se déplace en personne sur le théâtre des opérations pour galvaniser ses troupes. Mais il ne vient pas seul. Si le Général-Président a arboré sa tenue militaire, la Première dame Marie-Antoinette l’accompagne également au front. Sans faire partie de l’armée, elle porte néanmoins fièrement l’uniforme vert du Zaïre.
Un épisode dont se rappellera le général Singa ya Boyende, qui en sera marqué à jamais. « J’étais le premier responsable de la guerre du Shaba, au front. À mon grand étonnement, j’ai vu le Président Mobutu débarquer, accompagné de son épouse. Je croyais qu’il s’agissait juste d’une visite de courtoisie et que la Première dame allait rapidement regagner Kinshasa. Mais elle est restée avec nous. Elle s’est mise à travailler avec les militaires. Elle a connu les vrais problèmes qui se passent sur une opération de ce type », confie-t-il. [14]« Hommage à Marie-Antoinette Mobutu », Op.cit.
Fauchée en plein envol
Destin tragique. Naître à Lisala, loin de la civilisation et des richesses, finir par devenir une Première dame de bonté et très aimée par la population sans jamais perdre son âme… était trop beau. Le samedi 22 octobre 1977, la nouvelle tombe comme un hachoir : « Mama Sese est décédée en Suisse des suites d’une insuffisance cardiaque ». La stupéfaction est alors générale dans tout le pays. Le temps s’arrête. Personne n’en revient. « Elle était partie pour des soins médicaux. Et personne ne s’imaginait qu’elle puisse y mourir. Nous nous y étions rendus ensemble, moi j’allais à Bruxelles et elle à Genève. À son arrivée, la veille de son opération, je lui ai même parlé au téléphone et tout semblait aller bien », regrette sa sœur Suzanne Tambi. « Personne n’aurait pu s’imaginer. Je l’ai rencontrée une semaine avant son départ, elle était insouciante, toujours souriante, et ne me paraissait jamais inquiète », explique de son côté feu avocat Nimy Mayindika, à l’époque directeur de cabinet du Président Mobutu. [15]Intervenant aux funérailles de Mme Mobutu, op-cit
Les stars de la musique congolaise sont également troublées par la nouvelle. « Liwa Bolole », la jeune étoile montante « Mpongo Love », n’en peut plus, elle insulte la mort. Le grand Franco Luambo pleure « ô liwa boni yo kanda boye na mama na bana, ô liwa, mopiku monene olongoli » ; Nyboma se questionne : « mama tolela ndenge nini ? » ; au tour de Pépé Kalle de lancer : « Okeyi mama Sese ». Tabu Ley ne manquera pas de chanter Mama Mobutu. L’ampleur des hommages témoigne des vrais liens entre Marie-Antoinette et la population, qui l’aimait profondément. Le dimanche 23 octobre 1977, un vol spécial d’Air Zaïre ramène la dépouille de « Mama Sese » dans la capitale. Une véritable parade militaire porte son cercueil en bois noir, fièrement couvert du drapeau du Zaïre. De l’aéroport international de N’djili à la cathédrale Sainte-Marie, où une messe en son honneur, célébrée par l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Malula en personne, a lieu, les rues sont envahies par la foule.
Son époux, qui pleure « l’amour de sa vie » est terrassé. Mobutu ne s’en remettra jamais. « Dans ma vie, j’ai perdu deux grandes dames : ma mère et mon épouse » , confie-t-il à ses proches. [16] Nimy Mayindika, opcit. Il fait décréter un deuil national d’un mois. Marie-Antoinette, qui avait 36 ans au moment de sa mort, en aura passé près de 22 avec Mobutu. Elle lui donna neuf enfants (dont quatre sont à ce jour décédés) : NYIWA (aîné de la famille, décédé en 1994), NGOMBO (l’aînée des filles), MANDA (décédé en 2004), KONGA (décédé en 1995), NGAWALI, YANGO, YAKPWA, KONGULU (surnommé « Saddam Hussein », décédé en 1998) et NDAGBIA. « Sa disparition fut une perte irremplaçable, un véritable séisme, un tsunami, tant pour nous que pour notre père. Nous avons perdu le pilier de la famille », expliquent-ils. [17]Interview avec Litsani Choukran, opcit.
Selon plusieurs témoignages, Mobutu ne sera plus le même après la mort de son épouse. « Tant sur le plan personnel que dans le cadre de ses fonctions, le Maréchal avait beaucoup changé. Il était devenu antipathique et triste.Chaque année, à l’anniversaire du décès de Marie-Antoinette, il refusait de manger et même de se laver. Nous étions obligés de le supplier », raconte Mme Tambi, qui ajoute que Mobutu gardera, pendant longtemps, la mère de Marie-Antoinette à ses côtés. « Parfois, quand il partait en repos, que ça soit à Gbabdolite ou à Goma, il amenait toujours Maman avec lui ».
Légende de Congo au Féminin
45 ans après la disparition de celle que l’on surnommait « Maman Sese », les différents centres créés par sa fondation sont tombés en ruine, ses œuvres et sa mémoire s’embrument, victimes de l’oubli et des changements politiques. Néanmoins, aujourd’hui, la Première dame Denise Nyakeru Tshisekedi a entrepris de lui rendre hommage en réhabilitant quelques-unes. Marie-Antoinette fait également partie, à titre posthume, des lauréates de l’ambitieuse initiative « Congo au Féminin », visant à saluer et décorer les femmes qui ont marqué l’histoire de la RDC.
Si la fondation de Marie-Antoinette est tombée quasiment dans l’oubli, l’épouse du Président Félix Tshisekedi est notamment montée au créneau, en mobilisant des partenaires nationaux et mondiaux pour la réfection des centres Maman Mobutu, qui ont été jadis des piliers dans l’assistance à l’autonomisation de la femme congolaise. Une initiative largement saluée par les enfants de la défunte, qui appellent par ailleurs à restaurer cette fondation : « C’était une femme de grand cœur et d’actions, et ce qu’elle a construit reflète totalement ce qu’elle était. C’est une grande fierté de constater que les gens ne l’ont pas oubliée et surtout qu’elle restera toujours un exemple pour nous. Nous saluons l’acte de la Première dame Denise Tshisekedi », disent-ils.
References
↑1 | William T. Close, avec Malonga Miatudila, Beyond the Storm, Meadowlark Springs Productions, 2006, p. 112-113. |
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↑2 | Témoignage de Suzanne Tambi Tangolo, sœur cadette de Marie-Antoinette, recueilli par Litsani Choukran, en août 2020. |
↑3 | Suzanne Tambi Tangolo, op. cit. |
↑4 | Dignité pour l’Afrique, Entretiens de Mobutu avec Jean-Louis Remilleux, p. 27-28. |
↑5 | Le droit du mariage au Congo, par Auguste Iloki, aux éditions L’Harmattan, 2008. |
↑6 | François Monhein, Mobutu, l’homme seul, p.30. |
↑7 | Michela Wrong, In the Footsteps of Mr Kurtz, p. 73. |
↑8 | Suzanne Tambi, op. cit. |
↑9 | Fondation Mama Mobutu (Obs), https://www.congoforum.be/fr/2007/11/02-11-07-fondation-mama-mobutu-obs/ |
↑10 | Interview avec les enfants de Marie-Antoinette en août 2020, réalisée par Litsani Choukran. |
↑11 | Marie-Hélène Moleka, dans une émission « Hommage à maman Marie-Antoinette Mobutu », avec la journaliste Chouna Mangondo, diffusée à la RTNC, consultable ici : https://www.youtube.com/watch?v=Lej3hciBx9k |
↑12 | « Hommage à Maman Marie-Antoinette Mobutu », avec la journaliste Chouna Mangondo, Op.cit. |
↑13 | Interviewé dans le documentaire du réalisateur belge Thierry Michel : Mobutu, roi du Zaïre, 1999. |
↑14 | « Hommage à Marie-Antoinette Mobutu », Op.cit. |
↑15 | Intervenant aux funérailles de Mme Mobutu, op-cit |
↑16 | Nimy Mayindika, opcit. |
↑17 | Interview avec Litsani Choukran, opcit. |