A Kinshasa, la Première dame Denise Nyakeru Tshisekedi rend visite à deux légendes de Congo au Féminin: la générale Micheline Sasa et la femme politique Cathérine Nzuzi wa Mbombo. Reportage.
La Première dame et la Générale
Nous sommes à Kinshasa. A une centaine de mètres de l’avenue Kabinda située dans la commune de Lingwala, en plein centre-ville de la capitale congolaise, une artère est en ébullition. Générale des forces armées de la RDC à la retraite, Micheline Sasa est impatiente en cette matinée du 28 octobre 2020. « Nous avons longtemps attendu. Il y a eu des contacts, puis, plus rien. On commençait à stresser. Et, un beau matin, tout se précipite », explique sa fille.
Un convoi d’une dizaine de véhicules fait irruption autour de cette maison située au croisement de deux avenues La Première dame Denise Nyakeru Tshisekedi entre dans le domicile. Émotions. La Générale Sasa fond en larmes. « Merci, Maman », dit-elle, sous le regard ébahi de ses fils et petits-fils. L’accueil chaleureux cache à peine le soupir de soulagement et la joie de la famille qui peine à cacher son impatience de rencontrer la Première dame. Micheline Sasa reçoit un diplôme récompensant son engagement tant sous l’uniforme que pour la cause de la femme congolaise. Car l’histoire même de cette dame, jadis dans la promotion des premières parachutistes de l’armée nationale, les premières femmes à y être admises, témoigne d’un parcours exceptionnel, forçant les portes et faisant bouger les lignes.
La Première dame chez Cathérine Nzuzi wa Mbombo

« Congo au Féminin » est une initiative inédite qui vise à identifier et à primer les femmes « Légendes du Congo ». Une dizaine de femmes sont d’ores et déjà récompensées. En plus de ces Prix, « Congo au Féminin » s’emploie à mettre en exergue le parcours de ces femmes d’exception, que ce soit via la réalisation de documentaires, de portraits littéraires, ou bien encore d’échanges avec la Première dame, Denise Nyakeru Tshisekedi. Pour mieux cerner les tenants et aboutissants de cette initiative et surtout, pour mieux comprendre comment et jusqu’où l’épouse du Président Félix Tshisekedi envisage de la porter, nous nous sommes entretenus avec Nathalie Domai Luamba, sa Directrice de Cabinet. INTERVIEW. [1]Propos reccueillis par Jenny Nawej à Kinshasa, août 2021
Bonjour Madame la Directrice de Cabinet. C’est quoi exactement « Congo au Féminin » et quelle fut la genèse de cette initiative portée par la Première dame ?
Nathalie Domai Luamba (NDL): Permettez-moi en premier lieu d’évoquer la genèse du projet, car elle est particulièrement intéressante…
Je vous en prie…
NDL : Tout a commencé lors des préparations des festivités du 60ème anniversaire de l’Indépendance de la République démocratique du Congo. A cette occasion, la Première Dame, interpellée par l’absence de visages féminins dans le narratif du pays, a proposé de porter un regard particulier sur l’apport de la Femme congolaise dans la vie de la Nation durant ces dernières années, et ce, dans tous les domaines.
Et on s’imagine que le constat est édifiant !
NDL : En effet ! Notre histoire contemporaine est presque toujours racontée au masculin, ou plus précisémenent, par ce que les hommes ont accompli. Très rarement, les narrateurs reviennent sur ce que les femmes de ce pays ont fait, tant pour leur pays, que pour elles-mêmes. On parle en effet de femmes qui, comme partout dans le monde, ont vécu une époque d’omniprésence des inégalités basées sur le genre. Inégalités par ailleurs toujours bien tenaces et donc, toujours à combattre et, j’insiste sur ce point, à combattre !
Et Madame Denise Nyakeru Tshisekedi espère leur redonner toute leur place dans nos livres d’histoire, n’est-ce pas ?
NDL : Tout à fait, la Très distinguée Première dame s’est penchée avec passion sur la dimension historique de l’engagement de la femme congolaise, et elle se bat pour que cet engagement soit non seulement visible, mais qu’il soit reconnu par tous nos compatriotes. La première chose à faire fut alors d’identifier ces femmes. Qui sont ces Congolaises qui se sont démarquées ? Comment ont-elles fait pour repousser les limites et lutter contre les stéréotypes ? Ensuite, la question fut de savoir si la société congolaise a toujours été autant patriarcale.

Donc, en plus de ce regard sur le passé, le principe sera de « conjuguer le Congo au présent » et d’identifier toutes ces femmes de l’ombre qui s’investissent aujourd’hui?
NDL : C’est exactement ça ! Avec ce concept, « Conjuguer le Congo au Féminin », nous ne cherchons pas à mettre en exergue des femmes déjà « connues ». Il s’agit à contrario d’identifier et de faire connaître des femmes qui ont marqué notre histoire. La célébrité ne peut donc pas être un critère. Ne soyez pas surpris d’y découvrir des « Maman Bipupula », comme on dit chez nous, des « Dames Maraîchères » ou des universitaires tout à fait inconnues du grand public. En toute franchise, nous-mêmes, au sein du Bureau de la Première Dame, découvrons, comme le grand public, les femmes primées et leurs histoires. C’est une expérience fascinante pour nous aussi.
Vous avez évoqué une dizaine de femmes déjà primées à ce jour au début de notre entretien, c’est cela ?
NDL : Oui, sachant que nous avons, et c’est important de le souligner, l’équipe nationale féminine de Basketball dans son ensemble, qui a été primée pour ses prouesses sportives historiques; ensuite, nous avons le duo des « Mamans Angebi et Kanzaku » ; les femmes de Lettres Élisabeth Mweya To’lande et Eugénie Mpongo; le duo des « immortelles », c’est ainsi qu’on les a surnommées, Abeti Masikini et Mpongo Love, qu’on ne présente pas ; l’ex-Première Dame, feue Marie-Antoinette Mobutu ; l’ex-animatrice de télévision Jacky Betoko; Madame Catherine Nzuzi wa Mbombo, femme politique ; la Générale à la retraite Micheline Sasa ; l’épouse du sculpteur Liyolo Madame Friederike Liyolo ; la fondatrice du Lycée Motema Mpiko, Mademoiselle Françoise De Meyer; et la fondatrice du Lycée Kabambare, Mademoiselle Betty Brook.
Qui finance ce projet ? Qui sont les partenaires ?
NDL : Le projet « Congo au Féminin » est entièrement financé par le Bureau de la Première dame. Mais une telle initiative, qui veut se pérenniser dans le temps, a un besoin continu de financement. Nous allons très probablement nous adresser à des partenaires du Congo, notamment ceux qui appuient les initiatives au profit de la femme, au profit de la culture, etc. Nous espérons être rejoints par ces acteurs clés, nationaux ou internationaux, qui sont cruciaux pour la suite de ce beau projet.
Quels sont les contenus prévus par le projet? Et comment le public peut-il y accéder ?
NDL : « Congo au Féminin » raconte les prouesses, les difficultés et les réalités de la femme congolaise dans tous les domaines. Des femmes militaires aux femmes de ménage, en passant par les femmes politiques, enseignantes, sportives, universitaires, etc. Il met également en exergue les contributions exceptionnelles apportées dans les domaines scientifiques, la littérature ou la culture. Le but est, entre autres, de rendre disponible des ressources d’informations sur l’évolution de la femme congolaise.
Et les canaux de diffusion ?
NDL : Les supports réalisés vont être distribués gratuitement à toutes les communautés, notamment les étudiants, les élèves, les bibliothèques, ainsi qu’à des institutions africaines et internationales. Il s’agit d’un magazine « Congo au Féminin » qui sera semestriel, d’une plateforme « wiki » www.congoaufeminin.cd et d’un site web qui recense toutes ces femmes exceptionnelles de la RDC, primées par le projet. Sur cette plateforme web, on retrouve les portraits des femmes primées en format texte, ainsi que les documentaires vidéos. L’organisation prévoit même de rendre ces documentaires disponibles sur les grandes plateformes de streaming à l’international. A long terme, cette plateforme a pour but de devenir la base de données des femmes exceptionnelles de la RDC. Nous espérons qu’elle devienne une référence de l’histoire authentique de la femme congolaise.
Combien de temps va durer le projet ? Comment comptez-vous le pérenniser dans le temps ?
NDL : Nous avons démarré en juillet 2020. La phase actuelle doit continuer jusqu’en 2022. Nous aurons alors une vingtaine de portraits et une dizaine de documentaires réalisés, en plus d’un livre sur l’histoire du Congo au Féminin. Ensuite, nous verrons comment rendre le projet pérenne.
Merci Madame la Directrice de Cabinet de nous avoir éclairé sur ce fabuleux projet de « Congo au Féminin », porté par la Première dame, Denise Nyakeru Tshisekedi.
NDL : Merci à vous !
References
↑1 | Propos reccueillis par Jenny Nawej à Kinshasa, août 2021 |
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